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Surmonter la peur : entretien avec Alexandre Fischer, praticien de la science chrétienne

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Ouvertures.- Dans son livre Le Monde commence aujourd’hui (Silène, 2012), le résistant Jacques Lusseyran fait le récit d’une rencontre dans le camp de Buchenwald avec un homme extraordinaire, joyeux, tranquille, malgré le quotidien horrible de la vie en camp. Cet homme, Jérémie Regard, se revendiquait de la science chrétienne. De quoi s’agit-il ?

Alex_FischerAlexandre Fischer.- La Christian Science, science chrétienne en français [1], fut fondée à la fin du 19e siècle aux Etats-Unis par Mary Baker Eddy. Celle-ci enseigne un système de guérison spirituelle. Du grand sanctuaire d’Asklepios à Epidaure (Grèce) au moderne sanctuaire de Lourdes, le phénomène de la guérison spirituelle est relaté par la plupart des grandes traditions spirituelles. Mary Baker Eddy qualifia cette science de « chrétienne » car elle y voyait la clef des guérisons relatées dans les évangiles.

Si je vais au fond des choses, le principe sur lequel s’appuie la science chrétienne est le suivant : si je parviens, ne serait-ce qu’une fraction de seconde, à l’union consciente avec le divin, il en résulte une transformation de ma compréhension de la réalité et de mon expérience. Faute d’un meilleur terme, cette transformation est nommée “guérison”.

Jacques Lusseyran, parlant de Jérémie, évoque des hommes qui venaient le voir et repartaient “tout ferrés et tout neufs, pour ramener chez eux un peu de la vie qui leur manquait et qu’ils trouvaient surabondante, étincelante et très douce” chez Jérémie. On juge l’arbre à ses fruits !

Prisonniers de Buchenwald à la libération du camp. Crédi photo : wikimedia

Prisonniers de Buchenwald à la libération du camp. Crédit photo : wikimedia

– Comment la science chrétienne est-elle apparue dans le paysage spirituel du 19e siècle américain ?

– En 1866, Mary Baker Eddy (1821-1910), une femme qui avait expérimenté différentes alternatives à la médecine, fit une chute sur une route couverte de verglas et perdit connaissance. Le médecin diagnostiqua une commotion cérébrale et une paraplégie et la jugea perdue. Deux jours plus tard, elle demanda qu’on la laissât seule. Elle ouvrit sa Bible. Á la lecture de la guérison du paralytique (évangile de Matthieu), elle se releva guérie.

Elle consacra le reste de son existence à éclaircir ce qui s’était produit, à rechercher les lois sous-jacentes à la guérison spirituelle. Elle publia le fruit de sa recherche dans Science et Santé avec la Clef des Écritures, son principal livre dont la première édition parut en 1875. L’ouvrage, aujourd’hui traduit en seize langues, a été vendu à plus de dix millions d’exemplaires. Mary Baker Eddy  qualifia sa découverte de “science” car elle pût dégager des principes qui mis en pratique peuvent être démontrés systématiquement par toute personne.

– Quels sont ces principes ?

– L’idéal serait de lire le livre. Dans une première approche, j’en distinguerai trois. Laissez-moi les illustrer de quelques phrases extraites de son livre :

1. Les causes de la maladie ont une base mentale. “C’est la crainte, l’ignorance ou le péché qui est la cause prédisposante et la base de toute maladie. La maladie est toujours provoquée par un faux sens qui est nourri mentalement, non détruit. La maladie est une image de pensée extériorisée. L’état mental est appelé un état matériel” (p. 411)

Le manuel de la science chrétienne

Le manuel de la science chrétienne

2. Les verrous qui empêchent la guérison se résument en un mot : la peur. Chasser la peur est le premier pas vers la guérison. « La pratique scientifique et chrétienne commence par la note tonique de l’harmonie que nous a donnée le Christ : “N’ayez pas peur!” Job dit: “Ce que je craignais tellement s’est réalisé ». » (p. 410)

3. Celui qui s’unit consciemment avec le divin expérimente une transformation de sa perception de la réalité et de son expérience. C’est ce qu’on appelle une guérison. “C’est notre ignorance concernant Dieu, le Principe divin, qui produit l’apparente discordance et la vrai compréhension de Dieu rétablit l’harmonie.” (p. 390)

– Pouvez-vous nous donner une application illustrant la possibilité de surmonter la peur ?

– L’année dernière, j’ai servi du cordon bleu à mes enfants pour le déjeuner. Mon fils de 5 ans a enfourné une bouchée brûlante qui s’est coincée dans sa gorge et il a commencé à suffoquer. Nous lui avons immédiatement prodigué les premiers secours (claques dans le dos et compression abdominale) mais sans résultat. Il semble que le fromage fondu entourant la pièce de dinde faisait office de colle obstruant sa trachée. Au milieu de cette scène terrifiante, je suis entré en union consciente avec le divin et je me suis senti très calme. Je restais bien conscient de la situation, mais au fond de moi je n’avais aucune peur. Finalement, après environ une minute, il a réussi à recracher le morceau sans conséquences fâcheuses.

– Vous exercez la profession de praticien de la science chrétienne. En quoi cela consiste-t-il ?

– Des personnes atteintes de divers maux, mais aussi des blessés de la vie, des étudiants stressés, etc. contactent le (ou la) praticien(ne) pour recevoir de l’aide. Cette aide est offerte au moyen des principes de la science chrétienne.

La consultation téléphonique, en personne voire par courrier électronique, se déroule en général de la façon suivante : la personne expose le problème qui la préoccupe. Le praticien échange avec elle des idées inspirantes (de in-spirer, ça souffle dedans), des idées qui l’aident à « voir au travers », à retrouver le supra-sens, une raison d’être. Des idées qui restaurent l’enthousiasme (au vrai sens du terme ; de en theos, rempli d’un dieu) ! Après son départ en général, le praticien traitera la situation au cours d’une séance silencieuse pendant laquelle il appliquera le principe évoqué plus haut : « Parvenir, ne serait-ce qu’une fraction de seconde, à l’union consciente avec le divin ». Il en résultera une conséquence collatérale. Le patient est guéri.

Chaque praticien s’astreint à des règles éthiques strictes. Outre l’évident secret professionnel, « échanger des idées inspirantes », cela ne signifie pas « dire à cette personne comment elle doit conduire sa vie ». Si une femme hésite à avorter ou garder son bébé, le praticien n’a pas à interférer. La discussion la disposera à recevoir une réponse qui viendra de l’intérieur d’elle-même une fois le traitement spirituel effectué. Cette réponse sera la sienne.

Très prosaïquement, vous allez me demander « Combien coûte l’appel à un praticien ». Mary Baker Eddy suggérait d’appliquer un tarif analogue à celui d’un médecin de la ville où exerce le praticien de la science chrétienne. C’est grosso modo la règle habituellement suivie. Il va de soi que le praticien ne fait pas payer « une guérison », mais le temps consacré à son patient.

– Sous quel statut exercez-vous ?

– Le ou la praticien(ne) de la science chrétienne est immatriculé(e) à l’URSSAF comme profession libérale. En pratique, il ou elle paie des cotisations sociales ainsi que l’impôt sur le revenu sur les honoraires reçus.

– Les praticiens reçoivent-ils une formation et sont-ils reconnus par l’église de la science chrétienne ?

– Chaque praticien a un parcours unique. Cependant certaines étapes sont semblables. En général, l’étude en autodidacte (étude de la Bible, des écrits de Mary Baker Eddy, des revues, etc.) constitue la première étape de la pratique de la science chrétienne.

Puis, lorsqu’il existe un désir et une aptitude à aider les autres par la prière, on peut suivre un cours dispensé par un professeur de science chrétienne. Cet enseignement va poser les fondements et l’éthique de la guérison par la prière. Pour moi, ce cours revient à planter des graines dans le terreau de la pensée. Ces graines doivent pousser et être nourries par davantage d’étude et de pratique.

Enfin, lorsque le praticien se sent prêt, quand les graines ont bien poussé, il ou elle peut se porter candidat pour être inscrit sur la liste mondiale des praticiens de la science chrétienne tenue par l’Eglise Mère à Boston. Avant d’y être admis, le praticien (ou la praticienne) doit passer un entretien. La qualité de son travail de guérison est vérifié, y compris son observation des règles éthiques. Dans mon cas, en 1998 j’ai été accepté pour suivre le cours d’un professeur de science chrétienne. En 2011, j’ai été admis sur la liste des praticiens de la science chrétienne.

Un praticien de la science chrétienne n’a aucune relation avec les églises locales en sa qualité de praticien. Les églises locales sont gérées démocratiquement, sans clergé.  Le praticien participe à l’activité d’église en la même capacité que tout autre membre.

– Quel est le rôle de l’Eglise de la science chrétienne ?

– Mary Baker Eddy ne souhaitait pas fonder d’organisation. Elle en redoutait les dangers. Elle espérait que les Eglises classiques s’intéresseraient aux principes qu’elle avait découverts. Face aux refus des Eglises en place, face aux difficultés que pouvait rencontrer une femme leader d’un mouvement religieux dans l’Amérique calviniste du XIXe siècle, elle se résigna à fonder une organisation chargée d’assurer la pérennité et la diffusion de ses enseignements et de ses textes.

Je reconnais que dans un pays marqué par l’Eglise catholique, l’expression « Eglise de la Science chrétienne » est ambiguë [2]. Car l’on pense immédiatement à un corps de doctrine, à des rites, à un clergé. L’américain « church » à un sens beaucoup plus large, plus proche du grec ekklesia, qui signifie simplement « assemblée ». Les églises – les communautés, les sociétés – locales laissent place à la liberté individuelle (pas de clergé, pas d’obligation, pas de cotisation) et à un fonctionnement démocratique (les décisions sont prises au vote majoritaire). En France, ces églises se sont vues reconnaître le bénéfice de la loi de 1905 par le ministère de l’intérieur, ce qui est un gage de transparence financière et d’absence de trouble à l’ordre public.

Cette science de la guérison spirituelle, cette métaphysique appliquée, peut être pratiquée dans le cadre d’un groupe ou indépendamment de toute organisation. Il est des hommes qui préfèrent cheminer seuls, il en est d’autres qui préfèrent cheminer avec des compagnons de voyage.

– Certains critiques de la science chrétienne lui reprochent son rejet de la médecine scientifique ? Qu’en est-il ?

– Toute personne étudiant la science chrétienne que ce soit depuis 5 minutes ou depuis 50 ans demeure libre de ses choix en matière de santé.

Pour moi, la science chrétienne et la médecine traditionnelle ne se fondent pas sur la même base. La médecine allopathique a pour but de traiter un organe malade ou une maladie fonctionnelle. Elle ne s’occupe pas de la vie spirituelle du patient. La science chrétienne cherche avant tout à éveiller chez le patient un sens plus élevé de sa spiritualité. La guérison physique est un signe de cet éveil.

Je l’étudie depuis plus de 20 ans, j’ai expérimenté plusieurs guérisons physiques significatives, et elle continue d’être pour moi une grande source d’inspiration.


[1] Ne pas confondre avec l’Eglise de Scientologie.

[2] La dénomination officielle est Eglise du Christ, scientiste (ou scientifique), traduction de la dénomination officielle anglaise Church of Christ, Scientist.


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